La réduction des risques enfin reconnue à Vienne !

Le 22 mars 2024, la Commission sur les Stupéfiants La Commission des stupéfiants (de l’anglais Commission on Narcotic Drugs ou CND) est le principal organe de prise de décisions au sein du système international des Nations Unies pour le contrôle des drogues. Elle est une des branches fonctionnelles du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). a reconnu, lors de sa 67ème session à Vienne, la réduction des risques La réduction des risques fait référence aux politiques, programmes et pratiques qui visent à minimiser les effets négatifs sur la santé, la société et le droit associés à la consommation de drogues, aux politiques et aux lois en matière de drogues. et son utilité. Le terme n’apparaît qu’une fois dans la résolution proposée par les États-Unis, mais le contexte ayant permis une telle reconnaissance n’est pas anodin. Il permet d’avoir une idée plus optimiste des futures décisions politiques.

En effet, jusqu’à cette 67ème session dont le programme est toujours très chargé, les décisions ont toujours été prises par consensus. Seulement, cette session a marqué un certain agacement venant de nombreux états membres, notamment face à la Russie et la Chine qui bloquaient les discussions et refusaient toute avancée dans les débats ainsi que l’utilisation des termes de réduction des risques (harm reduction en anglais).

De plus en plus de pays soutiennent la philosophie de la réduction des risques. Il est aujourd’hui évident, dans beaucoup de régions du monde, que le modèle répressif échoue constamment, surtout dès lors qu’il s’agit de santé publique. Combattre l’addiction et l’abus de drogues en combattant les personnes qui consomment, c’est une idée qui a fait son temps.

La stratégie lors de cette 67ème session était donc pour les pays favorables à la réduction des risques de forcer l’utilisation du concept dans les textes afin de guider les futures politiques publiques. Ainsi, la Colombie et les États-Unis ont plaidé avec beaucoup d’énergie en faveur de nombreuses mesures de prévention et la reconnaissance officielle de la réduction des risques.

Prévenir les surdoses de drogue et y répondre par des mesures de prévention, de traitement, de soins et de récupération, ainsi que par d’autres interventions de santé publique visant à lutter contre les méfaits de la consommation de drogues illicites, dans le cadre d’une approche équilibrée, globale et fondée sur des preuves scientifiques.

Il est peut être difficile de croire qu’une telle résolution est portée par les États-Unis, mais force est de constater que les temps changent, et qu’il se pourrait bien que nos amis outre Atlantique soient plus progressistes que nous sur la question des drogues. On peut cependant se rassurer en constatant que la France a soutenu cette résolution !

Finalement et après de longs débats, de manière surprenante, c’est la Russie qui a fini par appeler au vote, s’écartant de “l’esprit de Vienne”. Elle s’est retrouvée seule, avec la Chine, à voter contre, face à 38 pays votant pour.

Cela marque un changement de perspective dans la manière d’adopter des résolutions, puisque ce vote montre qu’il sera désormais difficile de bloquer des résolutions supportées par une écrasante majorité de pays.

Commission des nations-unies sur les drogues
L'adoption de la résolution avec le terme de réduction des risques a été adopté avec une écrasante majorité

OP3. Encourage les États membres à explorer des approches novatrices, le cas échéant et conformément à la législation nationale, afin de répondre plus efficacement aux menaces pour la santé publique et individuelle que représente l'usage non médical et non scientifique de drogues, en particulier les surdoses, en impliquant tous les secteurs concernés, en soutenant la recherche, la collecte de données, l'analyse de preuves et le partage d'informations, en renforçant les systèmes de soins de santé et, le cas échéant, en adoptant des mesures de réduction des risques visant à prévenir et à minimiser les conséquences négatives pour la santé publique et la société de l'usage non médical et non scientifique de drogues, conformément au droit interne et aux objectifs des conventions internationales relatives au contrôle des drogues, si le droit interne le permet et si ces mesures sont incluses dans les politiques nationales en matière de drogues, des mesures de réduction des risques visant à prévenir et à réduire au minimum les conséquences néfastes pour la santé publique et la société de l'usage non médical de drogues, y compris dans le but de prévenir les surdoses de drogues et d'y faire face, et à renforcer la capacité des services répressifs et des professionnels de la santé à répondre à ce défi,

https://www.unodc.org/documents/commissions/CND/CND_Sessions/CND_67/Documents/ECN72024L5Rev2_unedited_revised.pdf

Malgré que la Russie ait appelé à voter, son représentant a considéré le résultat du vote comme “inacceptable”. Les états ayant défendu le terme de “harm reduction” ont concédé le passage de 9 références du terme à 4 puis à 1, ce qui n’a tout de même pas satisfait les opposants russes et chinois. Les États-Unis ont même rajouté sept réserves sur le terme afin de rassurer les opposants.

La réponse de l’ambassadeur américain n’est pas sans une pointe de sel à l’égard de ceux qu’il accuse de prendre en otage la commission en se servant de l’esprit de Vienne. L’ambassadeur russe a pris 10 minutes pour expliquer que la réduction des risques n’a pas d’intérêt puisqu’il faut tout simplement éliminer les risques (comprendre : faire comme si on pouvait bannir la consommation et les problèmes associés).

Ainsi, au cours de la 67ème session de la Commission sur les Stupéfiants, quatre résolutions ont été adoptées, portant sur des sujets tels que le développement alternatif Le développement alternatif est un ensemble de mesures favorisant une utilisation des terres agricoles tournée vers des cultures autres que celles permettant d’approvisionner les fabricants de drogues. , les programmes de réhabilitation et de gestion du rétablissement, l’amélioration de l’accès aux substances contrôlées à des fins médicales et de leur disponibilité, ainsi que la prévention et la réponse aux overdoses de drogues proposée par les États-Unis.

Cette session est une petite victoire pour les partisans de la réduction des risques et pour tous les consommateurs. Il reste à voir si une telle résolution aura un réel impact sur la mise en pratique de la RdR, mais on peut être un peu optimiste !